La fraude fiscale

 

Délit général de fraude fiscale (1741 CGI)

Commet le délit de fraude fiscale quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire à l’établissement ou au paiement total ou partiel d’un impôt.

Il peut s’agir pour résumer de :

– L’omission volontaire de déclaration dans les délais prescrits ;

– La dissimulation volontaire de sommes sujettes à l'impôt ;

– L’organisation d'insolvabilité et autres manœuvres tendant à mettre obstacle au recouvrement de l'impôt.

Le délit comptable (1743 CGI) vise quant à lui l’omission délibérée de passer ou de faire passer des écritures, ou de la passation délibérée d’écritures fictives ou inexactes dans la comptabilité.

On parle de fraude fiscale lorsque la soustraction à l’impôt a été réalisée sciemment, sinon il s’agit d’une simple irrégularité susceptible de redressement par l’administration fiscale.

Les exemples sont très nombreux, et portent le plus souvent sur la TVA pour les professionnels, ou sur l’IR pour les particuliers.

Nous donnons un premier exemple dans la fiche, du propriétaire d’un yacht condamné pour fraude fiscale, pour avoir omis de déclarer sur 3 exercices 22 millions de francs de revenus de capitaux mobiliers, soit environ 3 M€, réputés lui avoir été distribués par la société ACT, dont l'objet social était l'exploitation commerciale du yacht.

Lui avait tenté de se faire passer pour un client utilisateur du yacht, mais il n'a pas échappé aux juges que l'absence de toute réservation de sa part, les modalités d'établissement et de règlement des factures délivrées par la société, cumulées à l'absence de toute tentative de commercialisation du navire, prouvaient qu'il était en réalité le véritable et unique propriétaire de celui-ci.

En cette qualité il se devait d'assurer l'intégralité des coûts liés à la mise à disposition de ce navire ( frais de navigation et d’entretien) ou, à défaut de le faire, de considérer que la part de ces frais restés à la charge de la société constituait un avantage en nature qui lui était consenti, et soumis en tant que complément de rémunération à l'impôt sur le revenu.

Relevant notamment que le contribuable avait été averti par le commissaire aux comptes du caractère anormal des prix pratiqués pour la location, les juges ont considéré qu'il s'était « délibérément abstenu de porter dans sa déclaration à l'impôt sur le revenu les sommes correspondant à l'avantage tiré de la jouissance  exclusive du navire », « la dissimulation volontaire de sommes sujettes à l'impôt suffisant à caractériser le délit de fraude fiscale sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence de manœuvres frauduleuses » (Crim., 2 juillet 1998).

 

Autre exemple de fraude fiscale assez répandue, celui de la TVA intracommunautaire, concernant les concessionnaires automobiles achetant des véhicules dans l’UE pour les revendre, en n’appliquant la TVA que sur la marge, et non sur la totalité du prix de vente.

Ce régime d’imposition limité est possible à certaines conditions tenant principalement à la qualité du vendeur (non redevable de la TVA, comme un particulier ou un assujetti exonéré lors de la cession du véhicule).

Puisque cela permet d'augmenter la marge perçue par le revendeur, tout en étant très compétitifs, certains garagistes ont appliqué ce régime de façon abusive. Mais l'administration fiscale s'est emparée du sujet, opérant de nombreux contrôles sur ces transactions, aboutissant souvent à un redressement pouvant atteindre des montants colossaux, parfois plusieurs millions d’€.

Ces procédures entraînent souvent une plainte de l'administration fiscale, et parfois une condamnation du garagiste pour escroquerie. Cela ne l’empêche pas de se retourner contre son expert-comptable, au prétexte d’un mauvais conseil ou suivi du poste TVA, pour solliciter sa condamnation au montant des redressements et/ou des pénalités souvent infligées par l'administration fiscale.

 

La frontière est parfois ténue, puisque l’évitement de l’impôt peut être licite lorsque le contribuable utilise habilement les règles fiscales, par exemple en s’établissement valablement à l’étranger.

Dans les limites bien sûr de l’abus de droit (article L64 LPF), lequel sanctionne les actes ayant un « caractère fictif », ou « n’ayant pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

Le meilleur exemple, est celui de « l’arbitrage de dividendes », technique d’optimisation fiscale qui permet de réduire la fiscalité des propriétaires étrangers d’actions cotées en Bourse.

La dimension frauduleuse de cette technique a été mise en lumière en 2017 dans ce que la presse a appelé le « casse du siècle » s’agissant du scandale des transactions CumEx/Cumcum pour un montant chiffré à plus de 140 milliards €, en 20 ans.

Pour le Cumcum, la combine consiste à transférer provisoirement la propriété des actions vers un pays à faible fiscalité juste avant le versement des dividendes, pour éviter de payer les taxes. Le bénéfice fiscal ainsi réalisé est réparti entre le propriétaire de l’action et l’établissement/la personne qui l’a aidé, sous forme de commission.

Cela n’est possible qu’à destination d’un État ayant signé avec la France une convention bilatérale ne prévoyant aucune retenue à la source pour les dividendes distribués. Ces conventions fiscales sont actuellement dans le viseur du législateur.

Un amendement a ainsi été déposé le 28/10/2021 dans le cadre de l’examen de la de la loi de finances pour 2022, demandant un « rapport détaillant l’impact des conventions fiscales internationales conclues notamment avec l’Arabie saoudite, l’Egypte, les Émirats arabes unis, la Finlande, le Koweït, le Liban, Oman et le Qatar, ainsi que toute autre convention fiscale pertinente, sur les possibilités d’évitement de l’impôt dans le but de chiffrer le manque à gagner pour les recettes publiques et d’évaluer l’opportunité de réviser les conventions identifiées comme permettant l’évitement, légal ou illégal, de l’impôt ».

La version plus agressive dite CumEx est, elle, clairement frauduleuse. Ici, 3 actionnaires vont détourner le remboursement de la taxe sur les dividendes auquel ont droit certains investisseurs étrangers. Ils s’échangent des centaines de milliers d’actions dans un laps de temps très court, juste avant le versement des dividendes. Cet échange est tellement rapide, avec au milieu une vente des titres « découvert » (avant achat des titres par le vendeur), que le fisc ne sait plus qui en est propriétaire.

Cette confusion amène l’administration fiscale à délivrer deux attestations de paiement de la taxe, un au premier propriétaire qui réclame le remboursement du dividende taxé, mais aussi un autre au « faux » actionnaire final. C’est là que se situe la fraude, lors de la perception du remboursement indu.

Ces pratiques ont cours depuis les années 2000, et ce n'est que tout récemment que les premières condamnations, en Allemagne, ont eu lieu.

Le 28 juin 2021 le tribunal de Bonn a condamné l’ancien dirigeant d’une grande banque d’affaires allemande à une peine d’emprisonnement ferme pour fraude fiscale aggravée.

Le 28 juillet 2021, Cour fédérale allemande confirme les condamnations à des peines d’emprisonnement avec sursis prononcées en 2020 par le tribunal régional de Bonn, à l’encontre de 2 anciens banquiers britanniques impliqués dans ces montages fiscaux reposant sur l’arbitrage de dividendes.

En France l’administration fiscale et le parquet national financier continuent leurs investigations sur ces pratiques dans lesquelles seraient impliquées plusieurs grandes banques françaises.

Au cas particulier des montages de type « cum cum », l’administration fiscale pourrait être en difficulté de prouver que le contribuable n’a été inspiré par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer ses charges fiscales notamment en ce que des justifications économiques ou juridiques au montage pourraient être avancées.

La multiplication de ce type de scandales, à une moindre échelle, a conduit les Etats et notamment la France à renforcer la lutte contre la fraude fiscale, notamment dans ses formes les plus complexes.

Ce qui nous amène à évoquer sa répression.

 

La répression est-elle double ?

Sachant que l’administration fiscale exerce déjà un droit de répression de la fraude fiscale, lorsqu’elle rétablit l’impôt (redressement) et applique des intérêts de retard (fonction indemnitaire) et diverses autres majorations notamment celle de 40% pour manquement délibéré, pourquoi en faire un délit ?

Cela peut s’expliquer par la nécessité de garantir efficacement l’établissement et le recouvrement de l’impôt, lequel a une vocation d’intérêt général, puisqu’il s’agit de préserver les intérêts du Trésor.

Le Conseil constitutionnel a jugé que « les sanctions pénales visent à garantir l’accomplissement volontaire par les contribuables de leurs obligations fiscales », et que « les poursuites engagées sur le fondement de l’article 1741 ont un caractère public qui leur confère une exemplarité et une portée dissuasive supplémentaire pour l’ensemble des personnes susceptibles de manquer frauduleusement à leurs obligations fiscales » (CC, 24 06 2016).

D’ailleurs le Conseil constitutionnel estime, sur le fondement de l’article 13 de la DDHC, selon lequel « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale est un objectif de valeur constitutionnelle.

L’objectif peut paraître d’autant plus important que la fraude fiscale se chiffre en dizaines de milliards d’euros par an en France  (sans compter le coût de l’évasion fiscale licite) et qu’elle ne cesse d’évoluer et revêtir de nouvelles formes.

La Cour européenne des droits de l’homme a été à plusieurs reprises saisie, en vertu du principe non bis in idem [prévu à l’article 4 du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales], de la question de la double répression pénale et fiscale de la fraude.

Elle considère que le cumul n’est pas contraire à l’article 4, pourvu que la procédure pénale et la procédure administrative soient unies par un lien matériel et temporel suffisamment étroit (CEDH, 18 mai 2017).

Le Conseil constitutionnel veille quant à lui, en application du principe de proportionnalité, à limiter les effets du cumul, en rappelant notamment que le montant global des sanctions ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues (CC, 30 décembre 1997, 24 juin 2016, 23 novembre 2018).

De plus, ce cumul n’est admis que dans les cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l’impôt, une telle gravité pouvant résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention.

Par exemple dans un arrêt de la Cour de cassation du 11 septembre 2019, la gravité ressortait de la réitération des faits d’omission déclarative sur une longue période et en dépit de plusieurs mises en demeure et de la qualité d’élu de la République du contribuable, lequel était tenu à un devoir d’exemplarité.

 

La procédure

Toujours sur le thème du renforcement de la lutte, la loi de finances pour 2019  du 28 décembre 2018 a doté l’administration fiscale, d’une part, du dispositif de l’article L 64 A du LPF visant à étendre la procédure de l’abus de droit aux opérations ayant un motif principalement fiscal, et non plus exclusivement fiscal.

La loi du 23 octobre 2018 a, dit-on, fait « sauter le verrou de Bercy », en supprimant le monopole de l'administration fiscale dans la mise en mouvement de poursuites pénales pour fraude fiscale.

Désormais, outre les plaintes dont elle prend l'initiative, l’administration fiscale doit obligatoirement dénoncer au parquet tout dossier portant sur un montant de droits éludés supérieur à 100 000 € ayant donné lieu à l’application de certaines pénalités (celle de 80% applicable en cas d’abus de droit, de manœuvres frauduleuses ou de 40% en cas de manquement délibéré).

En conséquence de ces modifications, le nombre de dossiers fiscaux arrivant sur le bureau des parquets a quasiment doublé entre 2018 et 2020.

Or, les effectifs des parquets n'ont pas été augmentés dans les mêmes proportions.

Pour remédier à cette situation, une circulaire du 4 octobre 2021 donne des instructions concrètes et pratiques aux procureurs afin de les aider à aborder au mieux les dossiers fiscaux et d'en améliorer le traitement pénal.

 

Il leur est demandé, dans l'hypothèse où les faits se révèleraient être particulièrement graves ou complexes, d'orienter rapidement le dossier vers une juridiction spécialisée (JIRS, JUNACLCO et PNF).

Les Juridictions Interrégionales Spécialisées créées en 2004, regroupent des magistrats du Parquet et de l'instruction ayant une expérience en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. La circulaire regrette que les JIRS soient peu saisies en matière de fraude fiscale et recommandent leur intervention pour les dossiers fiscaux de grande complexité (montages complexes présentant des éléments d'extranéité, fraude fiscale en lien avec des réseaux de criminalité organisée…).

La Juridiction Nationale Chargée de la Lutte contre la Criminalité Organisée a été instituée par la loi du 23 mars 2019, pour les affaires de très grande complexité en matière fiscale.

Le PNF est quant à lui l'interlocuteur judiciaire naturel des directions nationales de contrôle de la DGFIP.

 

Pour pallier le nombre limité d'enquêteurs spécialisés, les procureurs sont invités à délivrer les directives les plus précises possibles aux officiers de police judiciaire, notamment en fournissant des modèles d'audition destiné à aider les OPJ à identifier les questions pertinentes pour la caractérisation d'une fraude fiscale. Il existe même une trame concernant l'audition d'un cabinet comptable, en cas de soupçon de gestion de fait par un tiers, afin d'identifier la personne qui dirige réellement une entreprise, mais aussi d'éclairer le contexte de commission des faits notamment en cas de mise en cause du comptable par le gérant de la société.

 

Autre mesure : envisager rapidement l'opportunité d'effectuer des saisies pénales conservatoires. La peine complémentaire de confiscation du produit direct ou indirect de l'infraction est encourue de plein droit en matière de fraude fiscale (131- 21 CP).

En la matière, il a été jugé que le produit direct ou indirect de l'infraction correspond au montant de l'impôt éludé. La confiscation peut s'opérer en nature ou en valeur.

C'est pour garantir l'exécution de la peine de confiscation susceptible d'être prononcée par un tribunal correctionnel qu'il est fait recours à des saisies conservatoires en cours d'enquête. La circulaire recommande aux procureurs d'envisager les saisies pénales au plus tôt dans les dossiers de fraude fiscale présentant une importance particulière compte tenu de l'ampleur de la fraude, du profil ou du patrimoine de l’auteur (chiffrage de la fraude réalisée par l’AF pour déterminer le montant de la saisie, au besoin via l'exploitation des fichiers FICOBA et FICOVIE).

 

Enfin, la circulaire encourage le recours à la justice pénale négociée en matière de fraude fiscale

Déjà en 2018, la loi a permis l'utilisation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (495- 7 CPP), et de la convention judiciaire d'intérêt public (41-1-2 CPP).

Les données du rapport d'activité 2020 de la DGFIP font état d'une utilisation limitée de ces procédures : en 2020, seul 22 CRPC et 1 CJIP ont été conclues en matière de fraude fiscale.

 

En fait, en tout seules 4 CJIP ont pour l'heure été conclues en matière de fraude fiscale, dans des affaires importantes si l'on s'en réfère aux montants en jeu, parmi lesquelles :

 

Septembre 2019, les sociétés Google France et Google Ireland Limited ont versé une amende globale de 500 M€ ; 

Aujourd’hui, Google vient en aide à Bercy pour l’aider à développer un logiciel de détection automatique des garages, piscines, vérandas ou courts de tennis non déclarés, selon Le Canard enchaîné.

 

Juin 2019, la société Carmignac Gestion, société mère française d'un groupe spécialisé dans la gestion d'actifs financiers, a elle aussi conclu une convention au terme de laquelle elle a versé une amende de 30 M€ pour mettre fin à des poursuites pénales pour fraude fiscale ;

 

Idem en septembre 2021 pour la banque américaine JP Morgan Chase, pour 25 M€ afin de mettre un terme à des poursuites pénales pour complicité de fraude fiscale

 

Évidemment, la circulaire incite à durcir les peines requises, notamment quant au montant des amendes pénales encourues qui peut être porté au double du produit tiré de l'infraction depuis 2018, c'est à dire au double du montant de l'impôt éludé. Pour les personnes morales cette amende peut être portée à 10 fois le montant de l'impôt éludé.

La circulaire demande au parquet de veiller à requérir la peine d'affichage et de diffusion de la décision de condamnation, ainsi que la peine complémentaire d'inéligibilité compte tenu de « l'atteinte portée au pacte social et au trouble à l'ordre public économique découlant de la fraude fiscale ».

 

Infractions voisines

 

La fraude fiscale passe en revue tous les thèmes du droit pénal des affaires (faux, escroquerie, détournement de biens privés (recette), recel, blanchiment, concussion, corruption, trucage comptable, insolvabilité).

 

En premier lieu, le délit général de fraude fiscale peut entrer en concours avec l’escroquerie (313- 3 CP), dans l'hypothèse où la première infraction consiste à déclarer faussement un montant de dépenses déductibles, et où par la 2nde, est recherché ou obtenu de ce fait un acte opérant obligation ou décharge de la part de l'administration. Par des manœuvres frauduleuses (établissement de fausses factures par exemple) le trésor alloue au contribuable un remboursement ou un crédit de taxe.

La Cour de cassation admet alors que se cumulent les 2 qualifications : « aucune disposition de la loi n'interdit qu'un individu déclaré coupable de fraude fiscale soit également déclaré coupable d'escroquerie au préjudice de l'état lorsque, comme en l'espèce, les éléments caractéristiques de ces infractions sont distinctement relevés » (25 janvier 1967, 6 avril 2011).

 

Le délit de fraude fiscale peut également être retenu en même temps que d’autres infraction participant de la même entreprise délictueuse : travail dissimulé, faux et usage de faux (fausses factures), abus de biens sociaux, banqueroute, blanchiment.

À la condition à chaque fois que le juge vérifie que les faits retenus sous les qualifications par exemple de fraude fiscale et de blanchiment ne procède pas de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable mais procède bien de faits distincts.

 

 

Fraude fiscale et travail dissimulé :

« les prévenus, ont invoqué l'irrecevabilité des poursuites en soutenant avoir été poursuivis pour les mêmes faits et condamnés par arrêt de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 mai 1997, pour avoir exploité un fond de commerce de bar-restaurant sans requérir son immatriculation au registre du commerce et des sociétés et sans souscrire les déclarations sociales et fiscales afférentes, et pour y avoir employé 5 salariés sans déclaration préalable et sans tenir le registre des entrées et sorties du personnel ;

Attendu que, pour écarter cette exception, les juges retiennent que les faits poursuivis sont distincts et caractérisent les éléments matériels d'infractions différentes » Crim., 30 octobre 2002.

La société s'était en fait « abstenue de déposer les déclarations périodiques de son chiffre d'affaires assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et les déclarations annuelles de ses résultats soumis à l'impôt sur les sociétés »

 

Fraude fiscale et ABS

L’argument du fraudeur : « la règle non bis in idem s'applique lorsque les faits reprochés visent un abus de biens sociaux commis par dissimulation d'une partie de l'actif et les infractions fiscales d'omission d'écritures comptables obligatoires et de soustraction partielle au paiement de la TVA consécutive à des déclarations mensuelles minorées par dissimulation d'une partie du chiffre d'affaires encaissé, la dissimulation étant l'élément essentiel des infractions pénales et fiscales ». 

« Attendu que le demandeur (au pourvoi) ne saurait soutenir qu'a été méconnue la règle selon laquelle un seul fait ne peut être poursuivi deux fois, dès lors qu'il résulte des constatations des juges du fond que l'infraction d'abus de biens sociaux pour laquelle il a été condamné définitivement est distincte des délits de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, objet de la présente poursuite »

 

 

 

 

Prescription de l’action publique

Il existe 2 modalités de poursuite :

Le cas de transmission automatique au parquet, dans lequel l’administration est tenue de dénoncer au procureur les faits qu’elle a examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle (droits éludés dont le montant est supérieur à 100 000 € + majoration de 100% ou 80 % pour opposition à contrôle fiscal, activité occulte, abus de droit, manœuvre frauduleuse OU majoration de 40% pour manquement délibéré ou abus de droit ;

 

Plainte préalable obligatoire de l’administration, sous peine d’irrecevabilité, dans tous les cas n’entraînant pas une transmission automatique du dossier au procureur de la république.

Quel délai ?

Article L230 LPF : « Les plaintes peuvent être déposées jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise.

(…) La prescription de l'action publique est suspendue pendant une durée maximum de six mois entre la date de saisine de la commission des infractions fiscales et la date à laquelle cette commission émet son avis ».

Cet article est donc conçu en premier lieu pour les hypothèses dans lesquelles la plainte préalable de l’administration déposée sur avis conforme de la CIF est requise.

Cela tombe bien puisque ce délai de 6 ans est le même que pour tout délit.

Pour l’infraction de l’article 1741 CGI, la Cour de cassation a précisé que la consommation opère au jour où la déclaration aurait dû être déposée, en cas d’omission déclarative (23 février 2011) ou au jour où elle est déposée, en cas de dissimulation de sommes sujettes à l’impôt.

Autrement dit, le point de départ de la prescription se situe au jour où l’infraction a été commise, et non à celui où les manœuvres préparatoires à la dissimulation ont été accomplies.

Pour le délit comptable de l’article 1743 du CGI, il est de jurisprudence constante que cette infraction n’est caractérisée qu’à la date à laquelle les comptes annuels doivent être transcrits, après la clôture de l’exercice (24 février 2010).

L’interruption de la prescription de l’action publique obéit au droit commun, et à cet égard depuis 2017 l’article 9-2 du code de procédure pénale dresse la liste exhaustive des actes interruptifs qui comprend :

Tout acte émanant du ministère public ou de la partie civile dans la mise en mouvement de l’action publique

Tout acte d’enquête émanant du ministère public

Tout procès-verbal dressé par un OPJ ou agents habilités tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction,

Tout acte d’instruction accompli par un juge d’instruction, une chambre de l’instruction ou des magistrats et officiers de police judiciaire par eux délégués, tendant aux mêmes fins,

Tout jugement ou arrêt même nom définitif s’il n’est pas entaché de nullité

De jurisprudence constante, ni la saisine de la CIF (à laquelle est associée une suspension) ni le dépôt de plainte par l’administration fiscale n’interrompent le cours de la prescription.

Nb : sur le plan procédural, l’interruption a pour conséquence d’anéantir le temps de prescription jusque là écoulée de relancer le délai à 0

 

 

 


Lexique

 

Intentionnalité : Entre l'erreur (simples irrégularités fiscales par négligence  : erreur de calcul, oubli de l'échéance déclarative, croyance dans le caractère non imposable de l'opération ) qui reste dans la sphère administrative et le fait de tenter ou se soustraire : « frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts » qui par cette volonté ou au moins conscience d’une dissimulation rejoint la sphère pénale, ce qui impose la preuve de l'intention dont la nécessité a été rajoutée de manière surabondante à l'article L  227 du livre des procédures fiscales « Au cas de poursuites pénales tendant à l'application des articles  L 1741 et 1743 du code général des impôts, le ministère public et l'administration doivent apporter la preuve du caractère intentionnel soit de la soustraction, soit de la tentative de se soustraire à l'établissement et au paiement des impôts mentionnés par ces articles ». La démonstration du fait que le contribuable a agi délibérément en vue de se soustraire ou de tenter de se soustraire à l'établissement ou au paiement de l'impôt se présume, peut-être quelquefois un peu facilement des volumes, des techniques, de la réitération. De même l'ignorance voire la phobie administrative sont considérés comme peu crédibles d’un défaut d'intention. 

 

Simulation : manœuvre pour donner une apparence de normalité en se plaçant par des opérations fictives dans une situation de non-imposition par exemple du commerce sous couvert d’une association.  

 

 

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